La rivière royale

source : http://www.ocrevert.claranet.fr/ocrevert/siteldp/journal4/soleil.html (interview de C. Boutin)
les cartes

 Expliquez nous ce qu'est la Rivière du Roi-Soleil ?

La Rivière du Roi Soleil, encore appelée Rivière Royale, est un chef d'oeuvre hydraulique méconnu que le Syndicat Mixte d'Aménagement et de Gestion des Etangs et Rigoles, le SMAGER, que je préside, dont le siège est à Versailles (82 bis avenue de Paris), entend préserver, entretenir et mieux faire connaître.
Il s'agit d'un ensemble hydraulique d'étangs et de rigoles qui ont été aménagés sous Louis XIV pour alimenter les grandes eaux de Versailles. Les fontaines édifiées dans les jardins du palais avaient, en effet, d'énormes besoins en eau. Il en jaillissait 13 000 mètres cubes d'eau par jour et, dans les cas exceptionnels, la consommation pouvait aller jusqu'à 10 000 mètres cubes pour un spectacle d'environ deux heures et demie.
 

 Pouvez-vous nous faire un petit historique de ces travaux ?

   Ils ont constitué une grande aventure technologique qui a favorisé la découverte des principes qui gouvernent l'hydraulique encore aujourd'hui. C'est dés le début de son règne que Louis XIV, qui règne de 1643 à 1715, ordonna des travaux pour améliorer l'adduction des eaux. En effet, la plaine de Versailles se trouvent à 100 mètres au dessus du niveau de la Seine, n'était irriguée que par les deux petits rus de Gally et de Marivel. Sous Louis XIII, une seule pompe puisait l'eau nécessaire au parc dans l'étang de Clagny, proche du château.
Pour commencer on conçut des moulins à vent chargés de remonter les eaux de la Bièvre puis le surintendant J.B. Colbert fit collecter les eaux des terres avoisinantes de Versailles, de Rocquencourt et du Chesnay. Mais cela ne suffisait pas car le roi voulait que tous les jeux d'eau fonctionnent en même temps. On envisagea un moment de détourner une partie des eaux de la Loire. Ce projet s'étant révélé techniquement impossible à réaliser, l'abbé Jean Picard, un astronome et géodésien qui réussit notamment à réaliser la mesure d'un arc de méridien, proposa de drainer vers Versailles les eaux des mares situées sur les plateaux de Trappes et de Bois d'Arcy. Puis Colbert décida de récupérer les eaux de pluie du plateau de Saclay. Ce fut l'origine de l'ensemble hydraulique dit "des étangs inférieurs"dont le pont-aqueduc de Buo, construit en 1683/84, constitue l'un des plus beaux ouvrages. En même temps, était construite à Bougival la fameuse "Machine à Marly" destinée à élever et conduire l'eau de la Seine jusqu'au château de Versailles et de Marly.
Après la mort de Colbert, les travaux réalisés ne suffisent pas au besoin du parc, Louvois fit procéder à des opérations de drainage sur les terres du plateau de Rambouillet, entreprise, menée, par Vauban, qui donna naissance au réseau hydraulique dit "des étangs supérieurs" qui s'étire entre Rambouillet et Versailles en passant notamment à Trappes.
Le système fut complété par une série d'étangs qui stockent les eaux de pluie. Suivant les besoins du parc du château, ces eaux stockées sont déversées dans le Grand Lit de Rivière, constitué de plusieurs aqueducs et rigoles pour rejoindre gravitairement les réservoirs après un écoulement d'environ 35 Km.
 

 Comment décrire ce réseau en quelques mots ?

 La Rivière Royale ainsi créée, longue de 35 Km, recevait les eaux d'une dizaine d'étangs et de 70 Km de rigoles. Les retenus et les étangs artificiels avaient alors une contenance totale de quelques 8 millions de mètres cubes d'eau et assuraient le stockage des eaux ruisselées de 15 milles hectares de terre.
 

 Par qui ces travaux gigantesques ont-ils été réalisés ?

Les rigoles ont été creusées le plus souvent par a main d'oeuvre locale. Pour la fouille des terres on passait des marchés avec des entrepreneurs de la région qui embauchaient des paysans. Pour les ouvrages particuliers (étangs, digues, aqueducs), il était fait appel à des ouvriers spécialisés venus de diverses régions, renforcés par des hommes de troupe selon l'ampleur des travaux à réaliser.

 Quelle est aujourd'hui l'utilité de ce réseau ?
 

   Si le réseau n'est plus utilisé depuis 1977 pour alimenter le château de Versailles, sa vocation d'assainissement et de loisirs reste entière.
Il constitue un pôle de verdure d'un intérêt primordial à proximité des grandes zones urbaines. il est une des seules étapes dans la région pour les oiseaux migrateurs et un des derniers refuges de la nature en région parisienne. Les ouvrages hydrauliques ont en effet engendré la formation de zones humides qui se révèlent d'une grande richesse écologique. on a pu ainsi créer en 1965 une réserve naturelle nationale à l'étang de Saint-Quentin-en-Yvelines où 210 espèces d'oiseaux ont été recensé en 1976. Des plantes rares et de magnifiques roselières se développent sur la chaîne des étangs de Saint-Hubert.
Le réseau favorise également des activités de loisirs : 2500 pêcheurs utilisent les étangs. La voile est pratiquée aux étangs de la Tour , de hollande et de Saint-Quentin. La baignade y est également possible. La promenade est favorisée par de nombreux circuits pédestres, cyclistes ou équestres aux abords du réseau. La chasse au gibier d'eau et la chasse au gros gibier y ont leur adeptes.
le réseau est également utile pour l'agriculture qui s'en sert d'exutoire pour ses réseaux de drainage. Quelques 1500 hectares de terres sont ainsi drainées, soit 40% des terres cultivables. 400 hectares de forêt, soit 25% de la superficie totale, sont également assainis et drainés en partie grâce au réseau.
 

 Que subsiste t-il aujourd'hui des travaux réalisés sous Louis XIV ?

   Parmi les réalisations de cette grande aventure technologique, seule fonctionne encore actuellement, comme à l'origine, la partie du réseau supérieur qui s'étend entre Rambouillet et Saint-Quentin. Ce réseau est administré depuis 1984, à titre gratuit et sans limitation de durée, par le Syndicat Mixte d'Aménagement et de Gestions des Etangs et Rigoles. L'ensemble représente 11 étangs, 60 Km de rigoles dont 11 d'aqueducs souterrains pour un bassin versant un total de 6400 hectares. Le maintien de son activité, trois siècles après sa construction,est tout à fait remarquable.
Le SMAGER, outre la gestion financière et technique de cet ensemble, a pour mission la réhabilitation du réseau et son entretien, le maintien de l'amélioration des usages qui en sont faits et la préservation de l'environnement et des loisirs qu'il favorise.